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L’échec de la conciliation travail-famille ou « Quand botchez-vous? »

Édito publié le 17 juillet 2017

GE, TU, ELLES. L’éditorial de Geneviève Béland.
Quand pensez-vous? Épisode 1
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Alors que je méditais le sujet de la partisanerie, le débat sur la laïcité grondait dans l’espace public. Disons que les spectateurs de cet affreux concert de voix polarisées n’en ont pas eu pour leur argent. Même en ne tenant pas compte des commentaires racistes à peine voilés sous le chapeau de la neutralité, les oreilles se faisaient remplir. Remplir d’exemples enflés, hypothétiques et improbables, créés exclusivement pour marquer un point. Alors que les océans sont en train de s’acidifier, j’aurais tendance à mettre de côté la prévention d’une éventuelle invasion de femmes en burqua dans nos SAQ.

Notamment grâce à la mise en place de différents programmes publics, les femmes peuvent, présumément, fonder une famille tout en s’épanouissant sur le plan professionnel. Dans la réalité, la conciliation de ces deux sphères n’est possible qu’en intégrant une variable : celle du coût de renonciation.

En effet, quelques mois après s’être gorgé l’utérus d’un phénomène naturel aussi miraculeux que bouleversant, le temps devient ainsi une valeur rare, voire insolite. Chaque fois que l’on choisit de prioriser une chose, on doit se résigner à botcher ailleurs. C’est le coût de renonciation. 

Quand j’entends une mère vanter les mérites du langage des signes pour bébé qu’elle pratique avec le plus jeune de sa série de trois, je cherche la donnée inconnue. Sur quoi elle slacke elle? Pas pour me comparer mais plutôt parce que je sais que pour y arriver, elle doit compenser ailleurs. Clairement, le fond de son pot à brosse à dents doit être vraiment dégueulasse, c’est sûr qu’elle ne fait JAMAIS la rotation de ses matelas et ses soupers finissent sans doute régulièrement en Cheerios. Et cette pensée me rassure quand je regarde cette gousse de vanille fraîche, achetée dans cet élan de faire un effort d’autre chose que ce qui est vital et hygiénique. 

Chaque parent fait de son mieux, selon son système de valeurs, son instinct, ses connaissances, pour agir dans l’intérêt de son enfant. C’est d’ailleurs ce que chacun devrait se rappeler avant d’y aller de ses conseils, présentés comme des principes universels, sur fond de condescendance. Parfois, une p’tite heure d’écran doublée d’un festin joyeux, ça peut rendre son parent pas pire namasté, encore plus qu’un « p’tit chien tête en bas ». Parce que le bonheur et la tranquillité du père et de la mère, c’est aussi dans l’intérêt de l’enfant. C’est lorsqu’on est brûlés qu’on devient des parents mous, qu’on manque de constance sur la discipline, qu’on abdique à l’épicerie pour s’éviter un 3 minutes de crise. C’est lorsque que t’as pu de jus que chaque petite chose devient un dossier. Tsé quand changer l’heure et aller mener des gogosses à l’éco-centre te semblent comparables à aller lancer l’anneau unique dans l’feu…

La solution ultime pour réussir sa conciliation travail-famille résiderait sans doute dans le « travailler moins ». Ironiquement, les premières heures d’ouvrage de ta semaine serviront uniquement à assumer les frais de service de garde qui te permettront justement de… travailler. Puis, même si tu étais à temps partiel, tu devrais quand même payer la garderie à temps plein. Parce que le système favorise cette absurdité. Et tu l’accepterais parce que tu veux la garder ta sainte-place dans ce milieu où les marmots ne mangent pas juste du Nutella. Parce que si tu as déjà fait l’expérience du télé-travail avec les enfants, tu le sais un peu comment ça se sent un schizophrène.  

Ainsi, force est d’admettre que la problématique de la conciliation travail-famille n’est ni résolue, ni révolue. Dans les faits, le taux de surmenage parental est en train d’exploser et c’est profondément dommage. Alors que l’on pourrait (et devrait) s’arrêter pour y réfléchir sérieusement, on répond à la pression avec des One Pot Meal et autres recettes à la mijoteuse du nouveau ministre de l’Éducation. D’ici à ce que de vraies solutions soient mises sur la table, retenons-nous de sombrer dans l’hyper-parentalité. Parce qu’être parent, c’est pas du crossfit; Métaphoriquement, t’as aucune raison de te râper les tibias sur des boîtes de bois. 

Au nom de ta famille, botche un peu. Tu t’en porteras mieux, tes enfants aussi et, ça pourrait t’éviter une affiche de paix intérieure, Live, Love and Laugh dans ton salon.