GE, TU, ELLES. L’éditorial de Geneviève Béland.
Quand pensez-vous? Épisode 4.
Noël, c’est une drôle de période. On est un char pis une barge à entretenir des sentiments ambigus face à la célébration du divin enfant. Cette fête, dont on martèle la magie, me poste à la fois en pleine cohérence avec certaines valeurs et en total conflit avec d’autres. Ravie et écoeurée. Ok pour sonner hautbois mais quand même pas jusqu’à résonner musettes.
Noël, c’est malheureusement l’opulence à plein de niveaux et, ça, ça me pique. Dès l’automne, je commence à les anticiper ces futurs présents à recevoir qui n’ont pas assez de personnalité pour se ranger naturellement dans un endroit en phase avec leur identité, dans mon classement par destin d’objets. Je les déteste déjà ces trucs qui ne serviront qu’à grossir le tas de bébelles, remplir les angles morts de la maison et faire déborder le panier de ramassis qui veille sur les batteries, les stylos qui marchent pu, les boutons de rechange pis les chapeaux de fête. Idéalement, les cossins des Fêtes disparaîtraient en même temps que la fin du cycle d’intérêt des enfants, c’est-à-dire après environ 74 minutes.
Noël, ça carbure aussi à la nostalgie et moi, Ciné-Cadeau, ça m’excite autant que l’idée de me faire installer un spéculum de givre par un résident malassuré. Le seul moment où je suis nostalgique c’est quand vient le temps d’installer les plastiques dans mes fenêtres. Là je deviens nostalgique de l’époque où c’était pas mon trouble de faire ça. Mais plus souvent qu’autrement la glorification du passé, ça m’agace. Peut-être parce que ça me rappelle les filles saoûles qui s’époumonaient à chanter le thème des « Cités d’Or » quand je sortais sur Grande Allée à l’époque du Cégep.
Noël, c’est tristement trop de tout. Trop d’alcool, trop de sucre, trop de Marilou et Ricardo, trop de points de vue sur Guy Nantel, trop de cartes de souhaits corporatives aussi touchantes qu’une youtubeuse qui raconte son parcours. Ironiquement, ce qu’on a tous vraiment besoin, c’est moins; c’est de percer des trous dans ce tissu d’obligations et de pensées encombrantes qui compose la charge du quotidien. On a un sérieux besoin de vide pour laisser remonter l’essentiel, se connecter, se laisser réenchanter par une conscience pleine et renouvelée. Qu’on se le dise, aucun grand choix de vie ne s’est pris au Beauce Carnaval. Aucune bonne décision n’a été répertoriée au Black Friday. Les « idées-cadeaux », c’est jamais le boutte.
Mais, par chance, Noël, c’est encore beaucoup d’amour. Un moment où collectivement on a choisi d’arrêter le temps pour se faire du bien. C’est ce qu’il faut se rappeler quand l’épicerie est fermée le 25, qu’un autre fichu potluck cogne à ta porte et que tu le sais très bien que ça se remplace par rien des châtaignes d’eau. Dans ces moments-là, c’est bien de prendre un peu de recul pour réaliser que c’est clair que l’univers ne conspire pas depuis 14 milliards d’années pour aboutir précisément à cette trempette-là, n’est-ce pas?
Je terminerai en vous souhaitant à tous d’intégrer plus de lenteur et d’espace dans vos vies. Se faire « du bien », c’est avant tout s’aimer simplement, sincèrement et doucement. Comme le chante si bien Saratoga: « Ralentis la cadence, c’est moins pire que tu penses. » Je vous souhaite à tous une année 2018 belle et lente.
Crédit photo: Geneviève Lagrois