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L’astrologie des populistes

Édito publié le 15 mars 2018

GE, TU, ELLES. L’éditorial de Geneviève Béland.
Quand pensez-vous? Épisode 5
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Quand on évoque le concept de la majorité silencieuse, j’ai l’impression de me transformer en la représentation exacte de ce que l’on ressent menstruée. (La première journée.) Je trouve que c’est un concept malhonnête, démagogique, aussi fiable que Jean-Martin Aussant. La majorité silencieuse, ça demeure un outil totalement virtuel, une arme populiste impitoyable, souvent utilisée pour s’opposer à des idées portées par la « maudite » élite. On sauve du temps avec ça par contre; On peut y aller au feeling… Pas de niaisage, pas de têtage de « living lab » ou autre cellule d’innovation ouverte où ça prend une coalition pour décider si on place les tables en « U » ou en carré.

Dans notre monde, on opère plus souvent qu’autrement en données quantitatives. On a tendance à vouloir contenter le plus gros segment de population plutôt que de tenter de représenter les différents courants d’idées. Alors, on lisse, on nivelle par le bas. Ça fait qu’on l’essore rien qu’en masse la macarena. Mais je ne veux pas attaquer ici tous ces DJ qui contribuent quotidiennement à pomper de grasses redevances vers des ayants-droits à la richesse déjà indécente. En fait, j’estime que le divertissement léger tient un rôle essentiel dans un monde où l’anesthésie psychologique peut parfois se révéler comme un besoin fondamental. J’adhère à l’idée qu’un petit Meat Loaf bien placé dans un party, ça peut faire exploser le taux de dopamine général. C’est rassembleur, certes, mais on se bâtira pas une 11e province là-dessus.

Je constate un réel déséquilibre entre l’espace encombré par toutes ces propositions inoffensives, sédatives, qui exhalent la nostalgie d’un passé surestimé, et celle d’une offre audacieuse, contemporaine, qui nous amène plus loin. Ça doit bien arranger quelqu’un cette homogénéisation tranquille, ce conditionnement à manger sa salade de patates sur un petit YMCA. Ça doit bien servir quelqu’un qu’on s’étouffe la curiosité collective; Qu’on se marie à l’église les doigts, au dos, croisés pour pas faire de peine à grand-mère; Qu’on parle pas de politique à table pour ne pas heurter la parenté (tout en ignorant les petites blagues tendrement misogynes et racistes qui y passent); Qu’on se garde d’utiliser cette épice venue d’ailleurs pour ne pas effrayer personne au potluk. À force de s’inhiber, on l’exacerbe le fossé à pas se comprendre.

« La vision des boomers blancs est largement sous-représentée » n’a jamais dit personne. Pas de leur faute à eux : C’est l’étouffant paradigme mercantile selon lequel il faut crinquer les cotes d’écoute, pacter les théâtres, décupler les produits dérivés qui fait qu’on s’adresse toujours au plus grand nombre, au Québécois le plus normatif possible. Tu te demandais comment le Caboose band avait fait pour sortir de l’Auberge et se retrouver dans les salles de spectacles? Voilà. Mais si on voulait réellement connaître le monde dans lequel on vit, faudrait élargir nos horizons.

Faut pas sous-estimer la capacité des gens à voir, comprendre, entendre la différence, la nouveauté, la dissonance. Il paraîtrait que ce qu’ils veulent, c’est de voir toujours les mêmes faces et entendre toujours les mêmes chansons de trois minutes et demi avec trois refrains, un bon bridge et une voix mixée ben en avant. Mais peut-être que le fameux « monde », ce qu’il veut, c’est pas juste du réconfort. Faisons confiance au peuple. Respectons-le et cessons de l’humilier à le faire danser la macarena. Arrêtons de faire dire n’importe quoi à la majorité silencieuse. On s’en portera tous mieux.

Crédit photo: Joanie Martel