GE, TU, ELLES. L’éditorial de Geneviève Béland.
Quand pensez-vous? Épisode 8.
Du groupe de concertation local à la table intersectorielle régionale, remontant par la coalition nationale, il s’en est écoulé des « Doodle ». Navigant de regroupement en regroupement, à l’acronyme toujours plus long, on s’épuise l’énergie collective à préciser le libellé de cet énoncé de mission, aussi excitant que ton anecdote de clapet antirefoulement.
Plusieurs études montrent que la prise de décision collective s’avère souvent plus efficace que l’individuelle. En effet, le groupe serait plus enclin à analyser tous les angle-morts d’une question avant de se prononcer. Par contre, il arrive que la concertation, à l’instar du glaçage avocat-caroube, se révèle un concept plus intéressant sur papier que n’importe où ailleurs.
On m’a appris à l’école de gestion que la meilleure façon d’administrer se trouvait au point de contact de l’instinct et de l’analyse. Les diagrammes existent d’ailleurs pour ne pas avoir à endurer de telles phrases. Les gestionnaires doivent viser un juste équilibre entre deux extrêmes tout aussi pernicieux l’un que l’autre : d’une part, des décisions arbitraires et irréfléchies et d’autre part, la fuite dans l’abstraction associée à une obsession pour les études et les analyses.
Le Ph. D qui a mis en veilleuse quelques belles années de bonheur potentielles pour développer cette théorie démontre que l’excès de réflexion peut mener à la paralysie. L’idée d’entretenir un dialogue social est noble, mais le tout n’est pas toujours plus grand que la somme des parties. Des fois, 1+1, ça peut aussi donner 0.
Dans la vraie vie, la concertation, c’est parfois Guy, qui n’a pas lu ses documents mais a pris soin de préparer un point d’information-fleuve, hors sujet, qu’il ajoutera au varia et qui déposera un goût amer dans la bouche des membres en fin de réunion. Il interviendra souvent avec des mots dont il ne maîtrise pas tout à fait le sens et des évocations de la théorie du complot. Dur à dire si sa principale motivation à siéger est l’eau pétillante à volonté ou la possibilité de passer la soirée loin de « la bonne femme ».
La concertation, c’est aussi quelques fois Francine, qui, incapable d’ouvrir ses horizons, analyse l’information uniquement de sa propre perspective. Elle est tout à fait à l’aise d’imposer son point de vue avec fermeté même quand elle connaît très peu son sujet avant de retourner à son téléphone et son époque. Francine ne distingue pas tout à fait les jugements des faits. Elle ponctue souvent ses phrases par un « tu-cas », renflement verbal propulsé par son aigreur. Sa seule présence alourdit dangereusement la vibe générale et fait descendre le taux de créativité potentiel de 30 %.
On a parfois également Mélanie, qui n’ose se prononcer sur rien sans avoir eu l’aval de son employeur qu’elle représente au préalable. Pour elle, retravailler les règles de gouvernance est un projet mobilisateur et sa devise est: « Ne pas créer de précédent ». Mélanie considère qu’un « Répondre à tous » a sa place pour mentionner une coquille dans l’avis de convocation. Elle n’aime pas l’eau pétillante, ça lui pique dans le nez. C’est consigné au procès-verbal.
(Le bout moralisateur)
Ceci dit, les grands combats, on ne peut les mener seuls. Je vous confirme que ma brosse à dents en bambou et ma paille en stainless, prises isolément, brillent par leur insignifiance dans la grande lutte planétaire aux changements climatiques. Alors, comment faire pour mettre efficacement en oeuvre les capacités collectives? Comment s’assurer que le groupe nous élève en puisant le meilleur de chacun?
Malgré tout, la meilleure réponse, je pense que c’est toujours ensemble qu’on la trouvera.
Crédit photo: Marie-Claude Robert.