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De plus en plus plusieurs à être pas beaucoup

Édito publié le 29 novembre 2018

GE, TU, ELLES. L’éditorial de Geneviève Béland.
Quand pensez-vous? Épisode 10.

Si on résume, l’école, c’est le deuxième lieu, la seconde maison de nos enfants. C’est leur premier contact avec la société. C’est dans cette boîte que s’élabore doucement leur avenir personnel ainsi que celui de leur génération. Il faut cinquante ans pour faire un homme disait Platon (Pis tsé, on parle quand même de l’élève de Socrate et Pythagore).

Le cursus scolaire permet d’acquérir des connaissances qui permettront à l’enfant de devenir un adulte à la pensée libre, capable de perspective cognitive. L’éducation favorise l’égalité des chances et contribue à former des humains en lesquels on pourra semer l’espoir d’un monde meilleur. Comme livrable: moins de gens qui confondront climat et température.

D’un point de vue clientéliste, l’école sert à préparer au marché du travail. Dans le regard de l’humaniste, c’est un espace de socialisation, d’apprentissage de la citoyenneté. De fait, l’école forme à la fois le travailleur, l’homme, le citoyen (et enseigne la pyramide de Maslow à chaque session de sciences humaines).

Considérant tous ces mots-là, on peut tu s’engager collectivement à parler un peu plus de l’avenir de notre système éducatif et un peu moins de l’anachronique crucifix vissé au-dessus de la chaise de princesse du salon bleu? Est-ce possible, qu’un jour, on entende parler d’un modèle d’école innovant et qu’il soit pas fichu en Finlande?

Ça fait un pas pire bout qu’on est au courant que l’environnement des élèves est leur « troisième enseignant », qu’il a un impact direct sur leur réussite éducative. Malgré tout, la plupart des établissements scolaires québécois sont aussi inspirants qu’une baisse d’impôts comme projet de société. Y’en a passé aussi des chars sur le deuxième lien depuis qu’on se dit qu’il faut impérativement, incessamment, changer nos habitudes de vie pour protéger notre environnement… Devant l’urgente évidence, on a l’impression que nos gouvernements sont eux-mêmes pris dans l’embouteillage et ça, ça indigne. 

Mais on continue d’attendre parce que le chemin du public est long, rocailleux mais précieux. Comme l’exprimait Aurélie Lanctôt dans le dernier numéro de la publication Nouveau Projet: « L’école publique, c’est une institution du commun, qu’on veut imperméable aux forces qui cherchent à l’instrumentaliser. [Elle] vise la transmission d’un certain nombre de connaissances et de valeurs jugées essentielles pour former une collectivité, peu importe le milieu d’origine des élèves. »

Effectivement, on veut une école pour tous avec un socle commun de savoirs fondamentaux. Cependant, je pense qu’on veut également qu’elle offre la chance à l’élève de se réaliser dans la reconnaissance de ses talents. On veut une école où l’apprentissage n’est pas précipité, une école où l’enfant n’a pas l’impression d’être un récepteur qui accumule l’information à la manière d’un théâtre d’ombres dans une caverne. La bonne nouvelle, c’est que ce modèle existe et j’ai nommé: l’institution des AGA de quatre heures also known as l’école alternative!

La voie alternative, c’est souvent le futur avant le temps. Ça fait longtemps au paradis des lentilles grillées qu’on applique des principes d’autonomisation de l’enfant. En même temps, on va être honnête, le modèle alternatif, c’est pas de la méga avant-garde; en mille sept cent quelques, Rousseau disait déjà qu’il fallait préserver l’enfant de la société et l’éveiller progressivement à sa propre liberté.

La hausse de popularité de l’alternatif démontre une réelle insatisfaction du système dominant actuel. Malheureusement, je pense que la migration de familles vers le système alternatif entraîne une certaine forme d’écrémage dans le système public, un peu à la manière du privé. Les écoles alternatives sont peuplées d’un bon nombre de parents scolarisés, culturellement privilégiés qui souhaitent que leur petite Marie-Pierre-de-Fée apprenne en transversalité, dans des groupes multi-âges décloisonnés et autant que possible, dans le bois. 

Je souhaite malgré tout que cette approche où on cultive le désir d’apprendre de l’enfant, c’est-à-dire le sol d’où émerge toute quête de savoir, se généralisera. Je me doute qu’éventuellement ça sortira du réseau des familles dont le quinoa est le centre de gravité de la vie alimentaire. J’espère qu’on sera de plus en plus plusieurs à être pas beaucoup et ce, jusqu’à être presque tout le monde. 

Crédit photo: Marie-Claude Robert.