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Nos prières pour aucun dieu

Édito publié le 11 avril 2019

GE, TU, ELLES. L’éditorial de Geneviève Béland.
Quand pensez-vous? Épisode 12.

Alors que je méditais le sujet de la partisanerie, le débat sur la laïcité grondait dans l’espace public. Disons que les spectateurs de cet affreux concert de voix polarisées n’en ont pas eu pour leur argent. Même en ne tenant pas compte des commentaires racistes à peine voilés sous le chapeau de la neutralité, les oreilles se faisaient remplir. Remplir d’exemples enflés, hypothétiques et improbables, créés exclusivement pour marquer un point. Alors que les océans sont en train de s’acidifier, j’aurais tendance à mettre de côté la prévention d’une éventuelle invasion de femmes en burqua dans nos SAQ.

L’ironie dans tout ça, c’est que l’État qu’on souhaite séparer des églises est dirigé par des partis qui rappellent bien souvent le dogmatisme religieux. Il existe au Québec des croyants péquistes, libéraux, caquistes et solidaires dont la foi paraît inébranlable. Ils seront prêts à défendre la parole de leur Dieu (ou leurs Co-Dieux) dans d’interminables discussions virtuelles, au détriment de leur hygiène de vie personnelle, tout ça pour s’éviter la dissonance cognitive. Pour eux, décider entre promouvoir le rapport d’impôt unique et sortir dehors prendre une p’tite marche est tout sauf un dilemme; au yâb l’air pur, on a une lutte de commentaires-fleuves à gagner dans les tranchées Facebook!

Ceci dit, je trouve totalement admirables ces gens qui s’engagent à fond. Je lisais récemment qu’un groupe de jeunes Québécois avaient choisi de renoncer complètement à voyager en avion pour le bien de la planète. Je salue leur abnégation tout en leur souhaitant un magnifique voyage de noces à Matane! Ça illustre à merveille qu’un engagement soutenu, c’est pas sans conséquences. Dans la sphère politique, ça peut même représenter un certain danger. Et je pense qu’il ne faut pas sous-estimer les écueils de ce que l’on pourrait appeler l’ultra-partisanerie.

Vous savez cette partisanerie intransigeante qui paralyse les débats? Celle qui torpille invariablement même les bonnes idées des autres camps? Celle qui divise, qui échauffe et qui maintient les disciples dans leur chambre à écho? En psychologie de l’enfance, l’opposition systématique est qualifiée de trouble. On tolère difficilement qu’un enfant “bocke” et soit entêté, alors que nombre de politiciens qu’on choisit d’élire semblent figés dans un éternel « fucking four ».

La montée actuelle du numérique nous porte à envisager davantage le monde dans une dynamique de partage. Parallèlement, l’écoute empathique et la communication non-violente gagnent aussi en popularité. C’qui fait que, si la tendance se maintient, la partisanerie malveillante, qui écoeure déjà pas mal le peuple en général, devrait écoeurer en « Gunbitch » très prochainement. Telle la précédente expression de Robert Gravel dans l’Héritage, les chicanes du type Rouyn-Val-d’Or, c’est passé date. On est ailleurs! Kumbaya, Seigneur!

Plus sérieusement, on a eu récemment plusieurs exemples de politiciennes qui ont appelé à la collaboration; je pense ici à Véronique Hivon, à Sonia LeBel et même à la sénatrice américaine démocrate, Alexandria Ocasio-Cortez qui ont conquis le coeur du public grâce à leur recherche du consensus. Allez mesdames, faites-les tomber les murs qui vous cantonnent en groupes idéologiques distincts!

Je comprends que ça puisse donner le vertige de remettre en question le fonctionnement traditionnel de la politique partisane. Doit-on s’étonner que plusieurs politiciens fassent le choix de l’iconique cassette comme outil protecteur quand une horde de détracteurs ne fait qu’attendre qu’ils fourchent la langue? Je comprends aussi les partis qui ne veulent pas avoir à défendre toutes les niaiseries que pourraient laisser échapper les représentants de leur formation. Personne a le temps ni l’envie de gérer des « Muguetteries ». Mais aucun électeur n’a envie non plus d’être représenté par des communiqués de presse sur deux pattes.

La réponse à tout ça me semble relativement évidente: les partis doivent arrêter de tout miser sur un bon-chef-tout-puissant; ils devraient plutôt entourer leurs leaders de candidats de qualité exceptionnelle. Des personnes brillantes, capables de réflexion, de nuances, habiles à communiquer, qu’ils n’auront pas à tenir en laisse. Des individus qui se présenteront en politique pour le bien commun et qui porteront en eux un réel désir de contribuer à l’avancement d’idées. Pour reprendre une expression de Klô Pelgag: on veut être représentés par des gens qui entendront nos prières pour aucun dieu.

Crédit photo: Josie Thériault.