GE, TU, ELLES. L’éditorial de Geneviève Béland.
Quand pensez-vous? Épisode 2.
J’aimerais ça « avoir » une religion.
Officiellement, j’ai confirmé mon adhésion à l’Église catholique quand j’avais une dizaine d’années. Tsé, à l’âge où tu te retrouves pleinement émancipé de toute pression extérieure, et où tu peux librement consentir à une telle chose…
Sérieusement, je rêve actuellement d’un mouvement spirituel progressiste et féministe. J’ai envie de présumer que je ne suis pas la seule de ma génération qui en aurait besoin. Autrement, qu’est-ce qui justifierait qu’on retrouve sur les réseaux sociaux autant de phrases comme « Les rires c’est comme les essuie-glaces, ça n’arrête pas la pluie mais ça permet d’avancer ». Je préfère croire à des quêtes de bonheur plutôt qu’à des prétextes pour diffuser des photos aguichantes.
Si j’avais du temps à mettre sur le développement d’une religion moderne, je me baserais sur les principes de l’école alternative qui cherchent à s’éloigner de « l’enfant adapté » pour tendre plutôt vers « l’enfant réalisé ». Je crois qu’il faut amener les gens à devenir ce qu’ils sont plutôt que de chercher à les rentrer dans le rang. Être soi-même, ça semble simple comme « live, love and laugh », mais l’est-ce vraiment?
Je me suis rendue compte récemment que tous les livres que j’ai lus dernièrement tenaient comme thématique en filigrane l’authenticité ou l’affirmation de soi. Simon Boulerice me trouble avec son discours sur le double esclavagisme, soit plaire et SE plaire; Fanny Britt m’amène à méditer sur ces désirs que l’on étouffe; Catherine Dorion m’inspire avec son audacieux plaidoyer en faveur de la liberté, alors que Marie-Hélène Poitras et Léa Clermont-Dion me font réagir en rappelant comment il peut être difficile, encore aujourd’hui, de s’assumer pleinement en tant que femme.
J’admire les gens affirmés, définis et décomplexés. Je salue le courage des marginaux qui s’accueillent et montrent la voie. Notre inconscient collectif cherche à noyer la différence alors que c’est elle qui nous permet d’évoluer en tant que société. Un être qui s’isole dans ses maux peut devenir un martyr ou, pire, un bourreau, alors que s’il s’éveillait, il pourrait devenir un héro et sauver le peuple de l’ignorance. Nous avons tous besoin de modèles. Selon Eric Duhaime, l’homophobie serait révolue; alors pourquoi les princesses de Disney marient-elles des ogres ou des grenouilles mais jamais d’autres femmes? Comment tu survis à l’ambiguïté sur ton identité de genre quand t’habites à Normétal?
Rousseau a écrit que l’homme est fondamentalement bon, que c’est la société qui le corrompt et qui l’amène à développer son amour de soi dans le regard des autres. N’est-ce pas là, la plus grande servitude, celle qui nous amène à dompter notre propre nature jusqu’à ne plus la comprendre? La plupart d’entre nous avons été élevés pour cadrer, pour fitter dans le moule; très tôt, on apprend à rester poli, quitte à mentir, à finir son assiette jusqu’à ne plus reconnaître sa faim. Mais même en répondant aux diktats, chacun se sent constamment jugé et honteux dans ce monde où une chanteuse en t-shirt dans un gala reçoit mer de violences. Combien de personnes se sont gâché la vie ou ont commis des gestes irréparables parce qu’elles n’arrivaient pas à assumer leur identité à la face du monde? On ne le saura jamais vraiment parce que personne dans sa lettre de suicide n’écrit « Je n’étais pas capable de maintenir un coït alors je me suis défini comme inadéquat et me suis empêché d’être heureux ».
Je demeure convaincue que la plupart des maux de l’humanité proviennent de ce manque d’amour de soi, de la difficulté à s’affranchir du regard des autres. Mais quand je parle de la nécessité d’être authentique, je ne parle pas d’étrangler ses partenaires sexuelles ou de leur faire subir des golden shower parce qu’on feelait pour ça. Faudrait pas confondre. Aimons-nous les uns les autres mais aimons-nous surtout nous-mêmes… À l’intérieur des limites du Code civil. Amen.
Crédit photo: Marie-Claude Robert