GE, TU, ELLES. L’éditorial de Geneviève Béland.
Quand pensez-vous? Épisode 21
Chaque personne pubère assignée femme traverse, tous les mois, pas d’flotteurs, une mer de fluctuations hormonales. Même si le cycle menstruel, qu’on réduit souvent à des pertes de sang et de patience, est un phénomène à la base même de l’humanité, il demeure à ce jour, trop peu considéré. Véro qui s’mêle d’un enjeu de société? C’est le symptôme ultime que ça branle… ou qu’a ben ben chaud.
La femme qui te fait payer au dep avec le sourire, l’autre qui enseigne patiemment les polygones à tes enfants, ou encore celle à qui tu contestes un ticket que tu méritais, gère potentiellement au même moment, une douloureuse endométriose, un trouble dysphorique prémenstruel, une infection urinaire, une sécheresse vaginale, une périménopause, des ovaires polykistiques, des fibromes utérins, une beurrée de Canesten ou une Diva Cup ben pleine. Parce qu’après tout, un mardi, ben c’t’un mardi!
Tu te demandais pourquoi les femmes s’achètent des chandelles aux huiles essentielles à 50 $ et s’organisent des cercles lunaires de cacao sacré? Ben c’est ça!
Le cycle menstruel est un parfum complexe avec en notes de tête des odeurs de chaos et quelques fines touches de préoccupations. Toutefois, bien comprendre une chose la rend soudainement moins intimidante, pouvant ainsi la faire passer d’anxiété à simple charge mentale. Tous les gains sont importants.
Afin de nous aider à aborder différemment les changements hormonaux et leurs impacts physiques et psychologiques, explorons avec toi, ma chère menstruée, les quatre phases de ton orage mensuel.
D’abord: la phase menstruelle. Ses nombreuses nominations édifiantes telles qu’être patchée ou dans ses crottes ne sont pas sans rappeler le malaise collectif à utiliser les bons mots pour identifier ton krach d’oestrogènes et de progestérone. Tes règles qui durent en moyenne une semaine incluent possiblement un bon 24 à 48 h de douleurs aiguës, aussi insultantes que l’épaisseur des serviettes maxi de nuit. Je te recommande d’ailleurs, si possible, de combiner tes menstruations à un isolement Covid.
À la fin de tes écoulements taxés roses, tu reprends une puff d’oestrogènes pour accueillir ton printemps: la phase folliculaire. Pendant cette période pré-ovulatoire, ton mental est clair, ton énergie et ta confiance augmentent; c’est le temps de clancher! Go: rappelle Statistiques Canada, lave ton micro-ondes, va refaire ton profil d’investisseur à la banque. Mais méfie-toi des impulsions qui t’engagent à long terme: va pas scraper ton été avec la gestion d’un potager aussi exigeante que le dressage d’un bébé chien carencé.
Éventuellement, ta belle énergie atteint un pic. Tu rayonnes. C’est la phase ovulatoire. T’as envie de changer le monde… pendant deux jours. Prise en otage par l’émerveillement, tu émets des ultrasons stridents à la vue de ce petit nuage trop trop cute! Cet étrange effet secondaire est là pour te rappeler que tu es potentiellement fécondable. Oui, c’t’un nuage ben normal.
Puis, soudainement, t’hésites à entamer un pot d’hummus à consommer dans les 5 jours après ouverture parce que ça te met trop d’pression. C’est ton automne; la phase lutéale qui commence. Tes taux d’oestrogènes et de progestérone déclinent et tu peux te sentir inondée par une averse de culpabilité basée sur absolument rien pentoute. Si t’as pas accès à un abri imaginaire imperméable aux attentes, gave-toi de magnésium et répète un mantra qui te rappelle que tes émotions sont valides. Tu as le droit de pleurer parce que « oui, tu l’aimes le chandail mais… en-tout-cas… laisse faire ».
Et revient ton hiver. On r’sort la cup et les bobettes paddées.
Le mystère féminin – dans le genre incompréhensible, sans le côté énigmatique – c’est que chaque humaine peut vivre tous ces effets dans une intensité inconstante variant entre 0 et un million.
D’ici l’arrivée d’un congé menstruel au Québec, les femmes continuerons, souriantes, de servir l’économie comme si leur utérus hémorragique ne générait pas de douloureuses contractions pour expulser un endomètre par voie vaginale à grands coups de flots et de caillots.
Il est certainement temps de cesser d’invisibiliser ce que traverse près dela moitié de la population et de normaliser la phrase: « hey, on s’en reparle tu après le jour 3? ».
Maintenant que vous avez tout compris, auditeurices et lecteurices, merci de continuer de faire comme si tout vous échappait.
Crédit photo: Sophie de Carufel
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