GE, TU, ELLES. L’éditorial de Geneviève Béland.
Quand pensez-vous? Épisode 22
Grossièrement définie, une ville, c’est une agglomération où l’on retrouve une concentration d’êtres humains au cœur battant; Des humains qui se déplacent, travaillent, socialisent ou font un p’tit tour au Ardène, juste pour checker.
Pas d’humains, pas d’ville! Et surtout, pas de portefeuilles écrits « LOVE » avec des faux diamants, à 3 pour 15 $.
La ville, c’est aussi l’ultime territoire hors-ligne. C’est la dernière frontière qui modère la colonisation complète de nos rapports sociaux vers la sphère numérique. L’espace urbain permet encore, pour le meilleur, de rencontrer une nouvelle personne en co-présence, sans préalablement savoir qu’elle a déjà partagé une vidéo d’un scientifique français pas de diplôme ou ben un concours pour gagner des bottes de poil.
Après avoir collectivement passé plusieurs mois en télé-vie, nous sommes plusieurs à avoir expérimenté, inondés de détresse, la brutalité du premier: « Hey, ça grandit han? Héhé, tabarouette, en-tu-cas! ».
Le glissement du small talk vers un savoir ancestral désorientant est un autre drapeau qui se lève face à l’urgence de recentrer le contact social au cœur de nos communautés, à penser la ville de demain à la plus petite dimension de l’aménagement, c’est-à-dire l’échelle humaine.
Selon cette approche, pour que l’humanité percole dans nos milieux et retrouver notre capacité à gérer une conversation sur la pluie, le beau temps et la modification du calendrier de collecte des poubelles, il faut avant tout s’attarder à la mobilité; Il convient de donner la priorité aux piétons et aux cyclistes, au détriment de l’automobile et, pour les quatre villes québécoises que ça concerne encore: des mythologiques stationnements au 45.
C’est la présence de gens en mouvement qui crée une vibe dans les espaces publics. Elle est favorisée par le développement urbain sous forme compacte, notamment en densifiant le résidentiel dans les cœurs de ville et en minimisant les distances à parcourir.
… c’est-à-dire pas mal tout le contraire de ce qu’on est en train de créer avec l’étalement urbain qui favorise les non-lieux dont l’existence se résume à être traversés, en recevant ben du vent dans face, si t’as le malheur d’être à pieds. La plus belle chose qui puisse arriver en circulant dans un rond-point, c’est juste que tout le monde comprenne c’est quand son tour.
Un autre phénomène qui roule à plein gaz dans l’sens contraire des villes à échelle humaine, c’est la réduction d’un milieu à une fonction de territoire-ressource. À Val-d’Or, notre entrée est défigurée par un open pit et même notre Tigre Géant est claimé. Ça donne une bonne idée d’où on se situe sur l’échelle de Montréal à ben-déménagez-esti-si-vous-êtes-pas-contents.
Et malgré que nous traversons cumulativement une pénurie de main-d’œuvre plus lourde que le film « J’ai tué ma mère » doublée d’une crise environnementale sans précédent, un nouveau projet minier aurifère est actuellement en cours d’évaluation chez nous. Ce projet menace d’éclater un territoire qui berce une dizaine de familles et encore plus d’espèces animales en péril. Au nom de quoi, on accepte l’idée de laisser s’écrouler des milieux de vie, comme ma confiance en secondaire 1?
Puis, considérant qu’on a autant besoin de jobs et d’or ce moment qu’on a besoin d’une nouvelle bière de micro qui goûte la O’Keefe sûre au cassis: on peut tu s’calmer la mine à ciel ouvert?
En fait, on peut tu arrêter de négocier tout ce qui affecte le bien-être et la santé des populations au profit d’une croissance économique qui nous domine et nous épuise?
Il commence à être tard mais y’é encore temps de placer le vivant juste en avant; en avant des chars, en avant de l’industrie, en avant des magasins à 1 piastre où toutte coûte 1 piastre dans l’fond parce que les gens qui ont fabriqué le stock étaient payés moins cher que ça. Pas d’humain, pas d’ville… Parce que la ville, ce sont nos cœurs qui la font battre.
Crédit photo: Marie-Claude Robert
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